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Elements of a Naked Chase
Elements of a Naked Chase
Elements of a Naked Chase © LFKs


Elements of a Naked Chase est une œuvre-énigme. Une énigme faite œuvre, c’est-à-dire aussi une œuvre portée par une énigme et la portant à son tour, la répercutant, la déployant comme une expérience, y ajoutant d’autres possibilités. On pourrait la résumer ainsi : comment raconter ce qui a pour effet de rendre impossible tout récit, toute restitution ?
En d’autres termes : dès lors qu’il est impossible de raconter, de dire ce qui a été vu, comment manifester cette impossibilité, comment avec des images, du son et du langage donner à éprouver ce que peut être l’expérience de ne plus rien comprendre à sa propre langue, de ne plus pouvoir aborder les choses, l’espace, les êtres depuis une forme de sens ? Comment dire l’humain depuis la bête, depuis l’homme dépourvu ? C’est la voie suivie par ces Elements.


Jean-Paul Curnier, philosophe
dans Elements of a Naked Chase, ou l’imitation du regard. 1999.



Elements of a Naked Chase, de Jana Tesárová, caractérise l’état émotionnel d’un monde enfermé dans son présent, un monde sans devenir, où il ne se passe rien que l’impossibilité de dire ce qui a eu lieu et qui semble être la raison de ce qu’il n’y a plus rien. Un monde sombre et triste dans lequel quelques grandes figures mythiques “demeurent” physiquement, visiblement (un enfant cornu, des Ménades déchiqueteuses de chevaux et de nouveau-nés, Orphée, une forêt sacrée, avec son cortège de chiens et de fauves, de filets et de pieux ensanglantés, Diane la déesse court vêtue, Actéon transfiguré en cerf…). À peine identifiables, ces figures ne sont plus ici des origines, mais de simples présences. Rendues mystérieuses par la disparition de tout signe d’une mémoire, de tout souvenir construit, sans plus de fonction identitaire ou éclairante, elles sont là, abandonnées à leur improbable corps, inutiles, muettes et passives, sporadiquement agitées d’une volonté désespérée de sortir d’une fixation en elles-mêmes. Mais s’agit-il bien de figures mythiques (rien ne l’indique clairement), ou est-ce nous qui croyons les voir là où il n’y a rien à voir ? Le monde de J. Tesárová, parce qu’il est à la fois fermé sur elle et offert, ouvert à tous, nous implique confusément dans son mystère et se nourrit de notre confusion. Secret mais sur-référencé, il nous est tout autant étranger que familier. Triste mais cynique, il tient sa tragédie à distance, mais nous enfonce dans la nôtre propre. Arrêté mais vibrant sur un temps exténué, il nous conduit dans une incompréhensible intimité du désastre. Il est sans progression, lourdement réitératif, mais il nous déplace, nous fait bouger en nous-mêmes, comme si la répétition perpétuelle n’était là qu’une implacable mécanique de transport de soi en soi ou hors de soi, dans la transe ou l’extase, la fureur ou le calme, la contemplation ou le carnage et par-delà le langage.

Er novo kunkyé
Issienn to da recess
Trra khobiel ervol pyrhné nafinnka Antéhos


Jean Michel Bruyère
dans Le Vøspázisme et la désinvolture. nk1314, 2000.