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<tr valign="top"> 					<td valign="top"></td> 					<td valign="top"></td> 					<td valign="top"></td> 					<td valign="top"></td> 	jean michel bruyere lfks		</tr>
Le Théâtre documentaire
La fabriks (LFKS) développe pour la scène, depuis 1989, le théâtre documentaire. Les différentes actions qu'elle mène sont regroupées sous - et ordonnées par - ce projet d'ensemble qui prend en compte dans sa définition les dix années d'expérience du groupe.

Travaillant la plupart du temps loin de France (Afrique, Océan Indien, Monde Arabe...) et systématiquement sur la base de rapports d'échanges et de fusions avec des artistes de différentes origines, la fabriks a été longtemps (fondation du groupe en 1987) et régulièrement (15 créations) confrontée à la notion d'altérité. Ses projets furent toujours conçus comme conséquences, déductions de rencontres interculturelles et généralement sans qu'un thème précis (sujet, texte, fiction) ne soit d'abord établi. - Selon quel arbitraire aurions-nous pu choisir, pour de telles expériences, l'a priori d'un sujet ? et pour quel résultat ? - Le sens final de notre travail dépendait exclusivement de la qualité que nous saurions mettre dans la manière de rencontre, de notre capacité à voir une vérité sensible de l'Autre et à matérialiser quelque chose de cette vision dans une forme partageable. La valeur d'un spectacle ne se résout pas dans ce qu'il dit et ce qu'il montre, elle est aussi et probablement essentiellement dans ce qui est ni dit, ni montré : cet espace de mystérieux sensible qui relie les mots et les sons pour les articuler au-delà des langages.

Un travail plaçant ainsi la Rencontre en valeur artistique supérieure nous a logiquement engagé à améliorer toujours notre capacité à percevoir et à comprendre les territoires, les cultures et les sociétés acceptant de nous recevoir et de nous entendre comme étrangers. Les premières expériences que nous avons menées, conduites seulement par des élans généreux et exclusivement naïfs, furent la plupart du temps finalement désastreuses. Ignorants, novices, nous étions bien trop fascinés par les apparences immédiates, par les aspects extérieurs et trompeurs de l'altérité. En chemin, nous avons appris à observer; c'est à présent l'intérieur de la Rencontre, l'intériorité de l'Autre, que nous essayons de traduire; c'est-à-dire ce point où les différences ne sont plus manifestes mais subtiles, inscrites au profond des êtres, de cette sorte qui ne sépare pas les êtres mais les distingue et qui, dans la confrontation, les enrichit ensemble de la Diversité. C'est ainsi que, progressant toujours dans la recherche d'un seul but, notre travail s'est radicalement transformé. Ce que nous posons à présent sur la scène, c'est la ressemblance. L'altérité n'y est plus dite, elle y transparaît, elle devient elle-même cet espace mystérieux qui relie les phrases et les notes.

La recherche d'une acuité dans la perception de l'Autre, à un instant, nous a conduit à offrir la scène, non plus à l'Autre joué, mais à l'Autre réel. Nous ne travaillons plus avec les acteurs d'une représentation du monde, mais directement avec les acteurs d'une réalité du monde et, avec eux, à l'exposition de quelque chose d'eux-mêmes dans cette réalité : c'est ce que nous appelons le théâtre documentaire.

Mais le théâtre documentaire ne fait pas le simulacre, la reproduction d'un moment de vie réelle, comme peut le faire le cinéma documentaire. Il s'attache à montrer seulement l'intérieur des êtres pris dans telle ou telle réalité. Il veut briser la vision-écran que l'on peut en avoir, extérieure, distante, pour aller chercher au plus profond et proposer l'apparition des êtres - à travers ce qu'ils vivent et ce qui les conditionne - dans une manière de vérité qu'aucune autre médiation et aucune autre circonstance ne sont capables de laisser affleurer.