lève. Et puis, je suis en retard. Debout. Je fais couler un bain. Je pisse. Je m'intéresse à la couleur de mon jet. Secrète et triste analyse. Et tandis que derrière moi la baignoire se remplit, j'observe le niveau de l'eau des w.c. qui lui, bien sûr, ne monte pas, alors que j'y déverse un bon demi-litre de mes troubles urines. Je pense à mon instituteur de campagne, mon Jules Ferry intime et ses leçons de choses. Je me souviens de quelle manière, les petits paysans, nous nous ruions dans la classe lorsque nous savions le matériel d'une nouvelle expérience en notre absence installé, prêt à servir la grande théâtralité d'une des démonstrations hebdomadaires de notre maître. Aujourd'hui : les vases communicants et le siphon. Vases de nuit. Toute la vase d'une nuit siphonnée coule de mon sexe. Je suis en retard. J'entre dans le bain avec la crainte, bien que l'eau en soit fraîche à réveiller un mort, qu'un retour à la station allongée ne me renvoie à la somnolence. Me savonnant sans entrain, je peine à établir quelques calculs. 10h20. Fin de la toilette, 10h35. Appel et attente d'un taxi, 10h40. Montparnasse/St-Germain - angle rue du Bac, 10h50. Entrée aux Affaires Etrangères, enregistrement de mon passeport, fouille de mes dossiers, passage au rayon X, discussion avec le vigile pour ce que je rechigne à vider |
mes poches, 10h55. Léger égarement dans les couloirs et arrivée au bureau de Jean Digne, 11h. Le compte, approximativement fait, totalise soixante minutes de retard. Etant donnée l'importance probablement relative que doit me concéder le directeur de l'AFAA ¬ qui suis-je pour lui ? combien de mes semblables reçoit-il par semaine ? ¬, une heure, c'est à peu près le temps qu'il aura jugé pouvoir me faire patienter. Je lave mes cheveux. 11h10. Je me présente au secrétariat de Jean Digne. Il arrivera bientôt, me dit-on, il me faut l'attendre un moment. Je reste dans le couloir dont les murs sont, sur quelques mètres vers la gauche du bureau directorial et plus longuement encore sur sa droite, habillés d'un épais feutre gris lui-même recouvert d'un préservatif transparent. L'ensemble, grossièrement fixé, pendouille avec mollesse et fait comme un ventre lâché, un peu au-dessus du sol. Aucune addition de matière dure, aucun angle sec, nulle part, susceptible de contredire la paresse de la laine agglutinée. Je pense à ce pauvre Joseph Beuys. L'altercation avec le vigile m'ayant irrité, je sens venir en moi l'envie familière "de casser du designer". Mieux vaut aller boire un café. Tel une endoscopie, je remonte vers la droite l'intérieur de ce ventre mou et terne, à la recherche d'un distributeur de boissons. Voilà. La machine s'agite, |