Le Théâtre vide | |||
D'un théâtre désert, traversé par le vide. Tous les théâtres de Marseille sont désertés. Ceux de Marseille et d'ailleurs. Quel que soit le nombre de leurs abonnés. Quels que soient la quantité de billets délivrés par leurs guichets et l'empressement à leurs portes, la vie s'en est retirée. Le Théâtre du Merlan a quelque chose en plus de tous les autres; il est vide. Nous verrons d'où lui vient cette qualité si particulière, mais notons tout d'abord qu'elle lui confère un extrême avantage : celui de la cohé-rence. A l'inutile diffusion d'un art globalement inadapté à son époque, le Théâtre du Merlan répond par l'inexistence concrète de tout public une réponse de fait, donnée contre les efforts acharnés de son équipe pour développer scrupuleusement le leurre d'une fréquentation abondante. Un théâtre jouant devant des salles "pleines" aura bien sûr quelque peine à distinguer sa désertion. Il différera longtemps la tenue pourtant indispensable d'une réflexion sur la réalité de son état. Un théâtre vide n'aura lui aucune difficulté à reconnaître et réfléchir son désert. Un théâtre vide est le théâtre exact de notre époque. Pour peu qu'il montre de l'habileté à vaincre les inhibitions de son personnel, c'est bien dans un théâtre vide que pourra s'inventer la politique franchement modifiée, l'attitude radicalement transformée qu'une nouvelle ère appellera bientôt. Il serait en effet une erreur regrettable que de considérer le bilan de la saison 94/95 du Théâtre du Merlan comme le signe d'une situation insolite et l'on se gardera d'y voir trop vite un défaut de compétence imputable à tel ou tel membre ou partie de l'équipe. L'on pourrait bien sûr examiner la pertinence de certains choix effectués dans la programmation de spectacles (trop subjectifs, très affectifs et insuffisamment politiques [= un projet pour la ville] pour un établissement de la taille et de l'importance d'une scène nationale), observer l'efficacité limitée de certaines manières d'informer les publics (trop classiques en regard de la spécificité de la programmation), mais cela serait sans grand intérêt; tout ce qui aurait pu accroître la fréquentation n'en aurait pas pour autant augmenté le sens. La manifeste perte de sens d'une diffusion traditionnelle de spectacles vivants dans la ville européenne d'aujourd'hui doit précisément être notre seul sujet de réflexion. Ce défaut de sens est généralisé. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un rapide regard alentour. En attendant la reprise économique. Déjà En haut comme en bas, l'on fait mine L'attente comme chute immobile de l'être. Quel autre pour lui donner un acte ? Mais peut-être est-ce alors plutôt un état qu'il nous faudrait décrire ? Sur l'état de celui qui ne travaille pas Être sans emploi ne peut définir clairement quiconque et rien exprimer. Être au chômage fit son temps, mais [ next ] |
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