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Le futur, cette fin du présent.
La question du chômage alimente directement ou indirectement
depuis plus de dix années en France comme ailleurs en Occident
une pléthore de débats sociaux et politiques.
Laïus et conférences
topos et conciliabules, congrès
galimatias
prêches
promesses électorales
propos de comptoir
tables rondes
extra-lucidité
sketches, blagues, pauses café.
Assemblées et palais, cénacles et salons.
Il ne se trouve pas une forme, pas un lieu de la parole qui ne lui soit ouvert.
Et ce n'est certes pas surprenant;
le concept de travail salarié étant fondateur de nos sociétés centenaires
son effondrement patent et tangible, progressif
mais rapide
peut légitimement conduire quelques discours et conversations.
Ce qui étonnera davantage :
la timidité avec laquelle partout et toujours la question est tournée.
A défaut de la pouvoir contourner,
il semble bien que l'on souhaite réduire de beaucoup son importance
retranchant toujours de sa phrase entière les termes principaux.
Un premier : - Quels sont les chiffres ?
Un second : - Un ingénieur au chômage a créé
une société d'entretien des tombes à Marseille.
Un premier : - Combien d'emplois sauvés cette semaine
et combien sont perdus ?
Un second : - Je ne connaissais pas le mot 'traminot'.
Le troisième : - Mieux vaut-il réduire le temps de travail ?
Un second : - Je parle couramment anglais!
Un premier : - Ou plutôt l'augmenter ?
Un second : - Je descends un peu en bas...
Un premier : - Pourrait-il être un 'secteur porteur' ?
Un second : - Tu m'aimes ?
Et de l'essentiel du mal, de son endémie profonde,
de ses conséquences irréversibles,
il conviendra de ne rien dire.
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