Si Poteris narrare, licet | |||
Si Poteris narrare, licet © LFKs |
Si Poteris narrare, licet, le premier ifilm de Jean Michel Bruyère pour le dôme EVE interactive cinema, revisite crûment le mythe de Diane et Actéon. Sueur et sang souvent écartés dans les nouveaux medias retrouvent une place justifiée dans cette uvre. Si tu peux le raconter, jy consens, cest ce que, selon Ovide, Diane dit à Actéon, le jeune chasseur qui la surprise et contemplée nue à son bain, avant de le transformer en un cerf et de le livrer sous cette forme au carnage de ses cinquante chiens. Avec pour tout langage le râle animal, inapte, cest certain, à dire ce quil a vu, à raconter lexpérience ultime de lil qui fut la sienne (mais quel chien aurait pu lentendre ?), aussi, incapable de seulement nommer ses propres chiens et de se faire reconnaître deux, Actéon se disperse, morceau par morceau, et meurt sous les crocs de la meute si longtemps restée fidèle. Tout au long de lhistoire occidentale, linfluence puissante du mythe de Diane et Actéon sest répandue. Il alimenta nombre de croyances populaires ; notamment celles liées à la canicule petit chien, les chiens dActéon montés fous et furieux dans le ciel constellé, déréglant le climat et rendus responsables des épidémies régulières de rages, de peste et de pendaisons des jeunes vierges. Il inspira les spéculations philosophiques les plus hautes, dont celles de Giordano Bruno dans sa volonté dune rencontre du divin, au croisement du désir et de la connaissance, dans les sphères ultimes de lintelligence. On le retrouve dans dinnombrables ouvrages de la littérature, dOvide (Les Métamorphoses) à Klossowski (Le Bain de Diane) en passant par Rabelais (Pamphagus et Hylactor, les deux chiens mangeurs de la langue dActéon et parlants, dans le Premier livre : Pantagruel), de la peinture et de la sculpture, depuis les motifs décoratifs des lécythes et coupes grecs jusquà luvre ultime et secrète de Marcel Duchamp (Étant donné ), en passant par la peinture classique et baroque. La tragédie dActéon est lhistoire originelle la fiction vraie, selon lexpression de M. Eliade (Aspects du Mythe) fondation de la réflexion sur les limites du regard (donc sur les limites de la connaissance, de lexpérience cognitive) et des langages (donc de la représentation et de la transmission). Elle est une explication du monde (cest la fonction mythologique) depuis une interrogation sur lil et la phrase. Sa réitération dans le contexte du dôme de iCINEMA, sous la forme dune gigantesque peinture kinêmatikos, et tandis que la machine de Jeffrey Shaw engagera le spectateur dans une nouvelle expérience de la représentation et du regard posé sur luvre, fait à notre sens projet idéal. |
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